Les Livres - Extraits
 
 

Allez vers extrait "Arnaud, le prince rêveur"


Bridgitte… ou à la recherche de l’âme sœur
 

CHAPITRE PREMIER

Un jour est venue me voir à mon cabinet une patiente qui ne comprenait rien à l’attitude des autres envers elle. Peu importe si les autres en question étaient des hommes ou des femmes. En cherchant pendant de longues séances la source du problème un jour j’ai fini par lui demander de quoi elle parlait, quand elle était entourée par des ami(e)s ou des connaissances nouvelles. Quelle fut ma surprise quand ma patiente m’a répondu :

– Je ne sais pas de quoi leur parler. Je ne trouve pas de sujet intéressant de discussion. Les gens sont tellement ennuyeux à parler du fait que nous sommes en crise que je n’ai pas envie de discuter avec eux sur ce sujet-là. Du coup, il m’arrive effectivement, de ne pas être très active pendant les conversations avec les autres.

– Vous voudriez leur parler de quoi ?

– De tout, mais pas de nos problèmes. Nous avons tous des problèmes. Ce qui est bizarre c’est qu’à la fin de la soirée ils se disent tous «  Oh, elle n’a pas dit un mot de toute la soirée. Elle a dû s’ennuyer comme c’est pas possible. ». Par conséquent, il y a une autre soirée d’organisée qui suivra et deux personnes qui n’y seront pas invitées – je vous laisse deviner lesquelles. Et c’est un schéma qui recommence à chaque fois.

– N’essayez-vous pas de changer de sujet de conversation ou de parler avec quelqu’un d’autre pendant que la personne qui est en train de développer un sujet plutôt ennuyeux a capté l’attention de certains ?

– On ne peut pas. Tout le monde est absorbé par un sujet que je trouve barbant, mais qui est très actuel, donc tout le monde y participe.

– Et cela arrive souvent ?

– Assez souvent disons.

– Il y a tout de même des soirées pendant lesquelles ce ne sont pas les problèmes d’actualité qui sont discutés. Que se passe-t-il pendant ces soirées – là ?

– Oh, Il y a des thèmes un peu,… Comment expliquer ? Inintéressants de toute façon.

– Pourquoi ?

– Parce qu’on ne discute que rarement d’un sujet neutre. Les principaux sujets de conversation ce sont la vie privée, les problèmes d’argent et de surendettement, le travail que l’on fait et le milieu dont on fait partie. On ne peut pas parler du dernier film sorti ? Ou du dernier livre ? Ou organiser une ballade entre nous ou un pique – nique ? Je veux dire des choses qui ne nous engagent pas. Il n’est pas utile de s’engager dans des conversations qui concernent la vie privée forcement. Cela ne me convient pas et donc, à partir du moment où c’est le cas je n’y participe pas. Il ne faut pas chercher plus loin. Mais les gens ne le comprennent absolument pas.

– Vous n’avez pas d’avis propre sur ces questions-là ?

– Si, bien sûr que si.

– Vous pouvez vous exprimer aussi. Si les autres le font. Vous avez le droit de vous exprimer tout de même. Vous ne pensez pas ?

– Je sais, oui.

– Mais vous ne le faites pas.

– Effectivement.

– Pourquoi ?

– Je ne sais pas.

– Eh bien vous devriez !

– Je n’arrive pas à prendre la parole. Je ne sais pas faire.

– Essayez ! Cela viendra. Ce sera tout pour aujourd’hui. Nous nous reverrons la semaine prochaine le même jour à la même heure.

– Au revoir docteur.

– A la semaine prochaine.
 

CHAPITRE DEUXIÈME

Au cours de la semaine, je me rendais compte des difficultés rencontrées par ma patiente et je réfléchissais à la direction que j’allais donner à notre prochaine séance, afin de débloquer la situation dans laquelle elle se trouvait. Lors de notre dernier entretien, j’avais deviné qu’elle avait aussi des problèmes de relations sociales.

Le jour venu, j’apprenais que son problème de communication prenne des proportions que je n’avais pas vues venir au départ.

Elle était assise, mais ne parlait pas. J’attendais quelques instants. Comme elle n’articulait pas je l’ai incitée à parler :

– Des changements depuis la dernière fois ?

– Pas tellement. Au niveau communication je veux dire.

– Ce qui veux dire qu’il y a eu des changements tout de même, mais à un autre niveau dans ce cas.

– Je ne suis pas sûre que l’on puisse appeler cela des changements.

– C’est-à-dire ?

– J’ai d’autres difficultés et je pense que les deux sont liées, mais…

– Mais ?...

– C’est difficile à expliquer justement.

– Essayez. Essayez simplement de dire quelles sont les difficultés. A quel moment vous les rencontrez, dans quelles conditions…

– Dans les relations à deux.

Je lui ai fait signe de continuer ne voulant pas l’interrompre. Il faut dire qu’il y a des moments durant lesquels il vaut mieux laisser la personne qui est en train de « livrer » des choses, poursuivre toute seule sans aide extérieure.

– Je n’arrive jamais à relater l’image réelle de moi-même. Faire comprendre à la personne en face qui suis-je réellement. Je suis prise constamment pour quelqu’un d’autre. Et ce qui est très grave c’est que parfois cela peut aller vraiment très loin. Alors là je ne sais plus comment dire à l’autre « Mais tu vas arrêter, n’est-ce pas ? Tu fais exprès de te moquer de moi ? » J’ai envie de lui dire ça et d’entendre en face que tout cela n’était qu’une mauvaise blague. Malheureusement, je ne réagis pas, car je ne suis pas sûre du tout de la réponse de l’autre et j’ai peur que si je l’entends elle ne me fera pas plaisir du tout. Par conséquent, ce qui se passe le plus souvent c’est que tout s’arrête. D’ailleurs, très souvent la relation s’arrête beaucoup trop tôt – au tout début. Cela fait des années maintenant que j’enchaîne des relations qui ne vont pas plus loin que trois rendez-vous et je n’y comprends plus rien.

Ma patiente s’était lancée dans ce monologue dont elle n’allait pas en sortir de si tôt si je ne l’interrompais pas. Je trouvais que pour qu’elle se livre encore mieux il fallait que je la guide un peu, alors j’essayais juste de diriger son monologue. Et puis, une fois qu’elle avais marqué une petite pause :

– Essayez de m’expliquer comment se déroule une relation très brève qui échoue.

– C’est là, dit-elle en me tendant quelques feuilles tapées à l’ordinateur avec une main légèrement tremblante et en prenant un mouchoir avec l’autre.

– C’est décrit ?, lui demandai-je.

Elle me fit oui de la tête et j’ai lu les pages que j’avais entre les mains aussi attentivement que possible pour le peu de temps dont nous disposition jusqu’à la fin de la séance. Voilà ce qui suivait :

« Chaque jour qui passait dans ma vie me persuadait d’autant plus que j’allais finir mes jours comme une célibataire endurcie, sans enfants, sans mari, et mal vue de la société, même si cette situation ne me correspondait pas du tout. Bref, la situation en question était tout le contraire de ce que je voulais. Alors, … Eh bien, alors un jour j’ai décidé de réagir et d’aller demander un coup de main à des personnes compétentes, même si l’on reste très discret sur ce type de « coup de main ». Eh bien oui, même au 21ème siècle il y a des sujets tabous dont il vaut mieux garder les serrures verrouillées et la clé en lieu sûr, si l’on ne veut pas se faire ridiculiser parfois. Ici, je me livre au lecteur et je prends le risque en toute connaissance de cause. Je suis donc allée voir une agence matrimoniale. C’était donc ça mon secret ? Bien oui ! Je sais bien que ce type d’agences sont très à la mode à notre époque. Certaines personnes s’inscrivent même dans plusieurs agences à la fois. Tout va bien – tant que nous ne faisons pas partie de leurs adhérent(e)s. C’est l’opinion de certains. Autrement dit, cette démarche n’est pas toujours bien perçue.

Quant à moi, j’ai essayé de me renseigner avant de frapper à la porte de celle qui me paraissait la plus sérieuse sur le marché au moment où je cherchais « l’âme sœur » !  Non seulement elle m’a été recommandée, mais en plus son nom avait une connotation religieuse, et pour  couronner le tout le siège social se trouvait dans un des quartiers chiques de la capitale. Il n’y avait pas de doute – c’était exactement ce que je cherchais. J’ai donc pris rendez-vous sans hésiter. Je m’y suis rendue par un beau matin de fin d’année, et même si le temps était particulièrement froid, le chaleureux accueil qui m’était réservé et le sujet de ma visite me firent tout oublier. Pendant le rendez-vous j’ai eu droit à toutes les questions possibles et imaginables, surtout que dans cette agence on n’inscrivait pas n’importe qui. Les personnes étaient très soigneusement sélectionnées et, bien sûr, on ne pouvait pas vous présenter quelqu’un qui ne correspondait pas à votre profil. Plus j’écoutais ce discours et plus j’y croyais, ou plus j’avais envie d’y croire – qui sait ?! Je ne sais pas ! L’agence en question était tellement sélective qu’à la fin de mon rendez-vous on m’a fait comprendre qu’il fallait que j’en reprenne un autre avant d’être inscrite dans leurs fichiers. La direction fixait deux rendez-vous à tous les futurs adhérents avant de les inscrire définitivement pour une certaine durée dans les données. J’en ai donc pris un tout de suite pour dans quinze jours sans attendre. En attendant le jour de mon second rendez-vous, j’étais de plus en plus persuadée du sérieux de l’agence ! Enfin, j’étais au bon endroit.

Au cours du deuxième rendez-vous, la personne qui m’a reçue me montra la liste de ceux à qui elle avait envoyé mon profil en me faisant un bref aperçu de chacun et m’a conseillée d’attendre une réponse. Je devais donc patienter. A la fin du rendez-vous je me suis armée de patience, mais cette fois-ci j’étais persuadée au plus profond du moi-même que cela avait un sens.

Trois jours plus tard, j’ai été contactée par un certain Alain. Je suis restée un long moment au téléphone avec lui. Ce n’est pas le but avant la première rencontre, mais il faisait tout pour prolonger la conversation, alors je ne me suis pas opposée. Il essayait de connaître des éléments de ma vie, et moi j’essayais d’éviter ses questions en lui disant qu’il valait mieux que l’on se rencontre, que l’on discute en face à face, car cela ferait plus vrai et plus naturel et que je répondrais à ces questions à ce moment-là. Puis, peut-être que j’en avais moi aussi à lui en poser. A la fin de la conversation il a changé de sujet, bien sûr. Je ne comprenais pas pourquoi, mais il tenait absolument à me voir le samedi qui suivait et à 19h00. Il ne cédait pas. J’avais beaucoup de mal à comprendre son insistance pour ce jour-là à cette heure précise. Il ne pouvait faire que cela et il tenait dur comme fer à ce que ce soit ce jour-là et à cette heure-là exactement. A tout prix ! Ensuite on allait voir. Je ne comprenais pas à quoi cela rimait, bien sûr. J’allais le comprendre plus tard, mais je ne le savais pas encore au moment de cette première conversation, surtout qu’elle était téléphonique. En plus, il habitait dans le 78 et moi dans le 92, alors il fallait que je fasse une petite concession sur notre rendez-vous me disait-il. Eh bien, je ne m’y opposais pas, mais j’avais un petit problème, car il se trouvait qu’en ce qui me concernait j’avais deux places de concert pour aller écouter Mozart à 20h00 ce jour-là. Très étrangement, au moment où j’avais réservé les places j’en avais prises deux, même si je ne savais pas encore qui j’allais inviter avec moi. La faute à pas de chance faisait que le concert en question avait lieu exactement ce soir-là, mais ce qui pouvait sauver la situation à mes yeux c’était le fait d’avoir deux places. Alors, je lui ai proposé de venir avec moi. Bien que très hésitant au départ, car selon ce qu’il disait il n’aimait pas la musique classique, il a tout de même fini par accepter mon invitation à ce concert. Alors, nous avons convenu de nous rencontrer une heure avant le concert et de nous y rendre à deux ensuite.

Le jour venu Alain était en retard de trente minutes. Une fois arrivé il a essayé de me faire comprendre qu’il ne viendrait pas avec moi au concert sous prétexte qu’il n’avait pas de billet. J’ai tout de même fini par le persuader que le concert valait la peine ; qu’aller sur les Champs-Élysées comme il en avait très envie  – on pourrait le faire une autre fois et que quant aux places j’en avais déjà deux, donc il n’avait pas à prétexter qu’il n’avait pas de billet. Nous sommes donc allés dîner dans la seule brasserie qui se trouvait tout près de la Madeleine. Nous étions obligés de nous dépêcher.

Pendant le concert j’ai essayé de l’observer. A certains moments j’ai eu l’impression qu’il allait s’endormir sur sa chaise, même si celle-ci était loin d’être des plus confortables.

Une fois le concert fini j’ai essayé de savoir si Alain avait apprécié la musique. Il m’a répondu que cela dépendait des morceaux joués. Je n’ai pas cherché à en savoir davantage à ce sujet, car je constatais qu’il faisait tout pour éviter mes questions. En lui demandant ce qu’il comptait faire à présent il m’a répondu qu’il rentrait, car malheureusement les trains qui vont jusqu’à chez lui avaient des horaires qui ne dépendaient pas de lui. Alors, il ne fallait pas qu’il reste sur Paris. J’ai décidé de rentrer, moi aussi. Dans le métro du retour Alain se montra plutôt entreprenant, alors que je n’avais montré d’aucune façon que ce soit que j’en avais envie ou que j’étais d’accord. J’ai donc fini par le repousser doucement, prétextant que ma station était la suivante et lui demandant ce qu’il avait pensé de la soirée. A peine avais-je terminé ma phrase que je me suis rendue compte de mon erreur. Il n’a pas hésité à exprimer sa satisfaction, mis à part le concert en lui-même, et m’a dit qu’il m’appellerait sans faute. J’ai eu beaucoup de mal à comprendre dans ce cas ce qui le satisfaisait à ce point-là. Je n’allais pas tarder à le savoir une fois qu’on allait reprendre contact. Pour cette fois-ci chacun était rentré chez lui pour tomber dans les bras de Morphée. »

J’ai levé la tête de la pile de feuilles que j’avais entre mes mains et regardé ma patiente qui avait l’air de s’être quelque peu calmée. Je me suis rendue compte que le temps ne me suffirait pas pour lire le contenu de la façon qui convient et qu’il devait y avoir des détails très importants dans le cadre des séances en cours. A la suite de ces conclusions j’ai décidé d’interrompre la lecture et la poursuivre plus tard.

-          C’est inventé ou c’est réel ? – demandai-je à ma patiente.

-          Il y a des choses qui sont inventées, bien sûr, mais le fond est réel. J’ai fait un mélange des deux. Mais la partie inventée ne fait que juste rajouter un peu. La réalité est dominante dans ce récit. Il ne m’était jamais arrivé d’écrire de telles choses.

J’ai prolongé le dialogue le temps d’avoir quelque renseignements sur le récit qu’elle avait fait et une fois qu’elle était bien calme je l’ai laissée repartir en lui disant que la prochaine fois j’aurais tout lu.

Une fois que ma patiente était repartie j’ai repris les consultations, car les autres patients attendaient déjà et je risquais de prendre du retard.

J’ai mis son écrit de côté pour un moment plus paisible.

Une fois la journée terminée je fermai le cabinet et comme je n’avais rien de prévu et que son style me paraissait fluide j’ai décidé de le lire. Alors, je l’ai pris, je suis rentrée et le soir j’ai repris la lecture de celui – ci à la place d’un livre. Il s’y prêtait bien.

Voilà ce qui suivait :

 ...






 

Arnaud, le prince rêveur

 

Un jour le roi décida de soumettre le prince Arnaud à rude épreuve, car si l’aîné et le cadet étaient de braves seigneurs dans leurs domaines et les dirigeaient d’une main de fer, le roi n’arrivait toujours pas à comprendre le benjamin. Il s’intéressait à tout ce qui touchait aux livres ou à la musique, mais il ne savait ni chasser ni manier une épée. Éléments pourtant indispensables pour la vie d’un prince. Cela ne l’intéressait nullement, car il prétendait être quelqu’un de très pacifique et finissait par s’enfermer dans son palais pendant de longues heures, en proie à la lecture des philosophes grecs. Voilà qui posait de plus en plus de problèmes au Roi Dagobert qui ne savait plus comment aborder ce prince qui lui paraissait de plus en plus irresponsable dès qu’il s’agissait des affaires de l’État. Et si Louis et Clovis étaient déjà mariés, avaient des enfants et se demandaient quelles unions ils allaient faire en mariant leurs enfants, afin de solidifier les positions du royaume, Arnaud était apparemment très loin de s’intéresser à cela. Alors, le Roi s’inquiétait davantage chaque jour. Or, il se trouve qu’à l’époque où se déroule notre récit c’était le temps des croisades. Un jour, le Roi appela son fils Arnaud et lui dit la chose suivante :

- Voyez-vous mon fils, le temps est venu pour vous de montrer de quoi vous êtes capable. – Le prince regarda le Roi sans comprendre, aussi celui-ci a-t-il continué : - J’ai retenu une place pour vous sur un bateau qui part à la fin de la semaine. Tu pars dès demain matin à la première heure. Je vous confie une mission. Vous avez quelques heures pour vous préparer.
- Quelle mission ? – demanda le prince très étonné de ce qu’il entendait.
- Vous partez en croisade.
- Moi ? En croisade ? Tout seul ? – Le prince était fort surpris. – Mais si Votre Majesté me permet, Votre Majesté sait très bien que je ne sais pas me battre et donc je ne vois pas comment puis-je être utile dans cette mission ? Et puis, pourquoi moi ?
- La décision est prise. On ne demande pas pourquoi à son roi. On obéit et on exécute les ordres du roi. Votre place est retenue. À vous d’accomplir votre mission du mieux que vous le pouvez. - Sur ce, l’audience était terminée.
Arnaud était furieux d’apprendre que ses frères aînés, qui avaient à leur disposition des soldats et des armées qu’ils aimaient tant commander ne partaient pas, mais que lui qui ne demandait rien, qui était un être pacifique et ne faisait que lire les philosophes grecs dans ses appartements, il devait partir. Aussi inquiet que pensif le prince se dirigea vers son palais. Il devait donc donner ordre, afin que ses bagages soient préparés au plus vite pour le lendemain. Mais à peine fut-il arrivé dans son bureau qu’il commença à réfléchir à ce qui l’attendait et oublia immédiatement les ordres qu’il devait donner. D’ailleurs, cela pouvait bien attendre quelques heures de plus. Alors, il s’assit dans un fauteuil qu’il utilisait quand il lisait des écrits philosophiques et pendant qu’il réfléchissait profondément Arnaud entendit un frappement très discret sur la porte. Il faut dire qu’il connaissait bien ce bruit, alors il ne le surprit pas beaucoup. Il courut donc ouvrir au plus vite la porte devant laquelle se tenait sa bien-aimée. Elle s’appelait Aliénor. Aliénor était une princesse du royaume voisin. Depuis quelques temps Arnaud était tombé amoureux d’elle. Alors, tous les soirs à la même heure elle frappait à sa porte et restait auprès de lui le soir ne repartant que très tôt le matin. Personne dans le palais n’était au courant de leur amour. Ce soir quand Arnaud ouvrit la porte, Aliénor le trouva triste, mais cela ne la surprenait pas.
- Mon prince est triste ce soir. Mauvaises nouvelles ? – Elle ne souhaitait pas lui apprendre qu’elle était déjà au courant de tout. Le matin, au lieu de repartir dans son royaume elle était restée au palais. Aliénor avait senti que quelque chose se préparait. Alors, elle avait décidé d’apprendre ce que c’était. Après avoir trouvé la salle dans laquelle se tenait le Conseil du Roi, elle comprit que celui-ci réunit le Conseil d’urgence. Aliénor, décida alors d’user de ses pouvoirs de fée et sortit sa baguette magique qu’elle ne montrait jamais, afin de se transformer en colombe. Elle se posa sur l’une des fenêtres les plus proches. Aliénor entendit donc la décision du Roi Dagobert, adoptée à l’unanimité, d’envoyer son fils Arnaud en croisade. Voilà qui représentait un grand choc pour elle. Mais cela n’avait duré qu’un bref instant. Transformée en colombe, elle s’était promenée dans les jardins du palais une partie de la journée en réfléchissant à un plan pour sauver le prince Arnaud et le pays. Et surtout, surtout, comment démontrer que c’était le plus digne des trois fils du roi à accéder au trône. Après avoir donc surmonté le choc émotionnel et après toute une journée de réflexion, la première chose qu’Aliénor avait faite c’était d’aller rendre visite au prince pour lui exposer son plan. Même si cela ne serait peut-être pas très simple. Alors, elle n’était pas plus étonnée d’entendre la réponse suivante :
- Je suis ennuyé de vous l’apprendre, mais je suis obligé d’accomplir mon devoir de prince et de partir en croisade dès l’aube. A mon grand regret nous ne nous reverrons qu’à mon retour.
- Est-ce la seule chose qui attriste Votre Majesté ? – demanda Aliénor.
- Que pourrait-il y avoir d’autre que le fait de partir loin d’ici et de vous ? – répondit le prince ?
- Eh bien dans ce cas vous n’avez qu’à m’emmener avec vous.
Le prince fut stupéfait de la suggestion qu’il entendait de la bouche d’une princesse. Cela faisait fondre son cœur.
- Si ma princesse me permet je trouve que la guerre est un art plutôt dangereux destiné aux chevaliers et aux princes et à tous ceux qui savent porter des armes. Quant à vous je vous remercie de me témoigner ainsi votre amour qui m’est si précieux et je vous promets que je reviendrai dès que j’aurai accompli ma mission. Maintenant si vous ne m’en voulez pas il faut que j’aille donner les ordres qui s’imposent. – Et le prince laissa Aliénor bouche bée l’attendre. Il alla trouver son valet de chambre et lui dit la chose suivante :
- Du Four, demain dès l’aube je pars pour les croisades, fais le nécessaire pour que mes bagages soient prêts. Ma place est retenue sur le bateau qui part dès demain matin. Celui-ci est accosté au port de Nantes. – Le valet de chambre regarda le prince avec quelques étonnements et lui répondit la chose suivante :
- Que Votre Majesté ne soit pas surprise. Ces ordres ont déjà été donnés. N’ayez crainte, tout est en ordre et vos bagages se trouvent déjà dans votre cabine. – A ces paroles le prince resta interdit et demanda.
- Puis-je savoir qui ose donner des ordres à ma place ?
- Je ne peux malheureusement vous répondre, car ceci m’est interdit, mais je peux vous rassurer que vous ne le regretterez pas et en serez informé très vite.
- J’ai l’impression qu’un complot est en train d’être monté contre moi.
- Que Votre Majesté soit rassuré, c’est tout le contraire d’un complot. Je suis navré de ne pas pouvoir vous en dire plus.
- Très bien. Dans ce cas vous ferez partie du voyage. Donnez l’ordre que l’on prépare mon cheval. Il faut que je parte pour Nantes cette nuit.
- Les préparatifs ont déjà été prévus. – Cette fois-ci le prince pensait rêver.
- Vous savez mieux que moi ce qui se passe dans le royaume et dans le palais à ce que je constate Du Four. Alors, expliquez-moi !
- Que Votre Majesté m’en excuse, mais cette fois-ci il y a une bonne raison pour que je sois mieux informé que lui concernant les derniers événements et à mon grand regret je ne peux en dire davantage. Je peux néanmoins assurer Votre Majesté que vous ne tarderez pas à être informé de ce qui se passe.
- Très bien. N’oubliez pas que vous ferez partie du voyage. A trois heures précises nous partons pour Nantes. Maintenant, j’ai d’autres ordres à donner. – Sur ces mots, Arnaud sortit de la pièce en laissant le valet de chambre sans se rendre compte que peu importait qui il allait voir et quels ordres il essaierait de donner, tout était déjà prévu et préparé. Il suffisait qu’il prenne son cheval et qu’il parte. Mais Arnaud était un prince rêveur, un être sentimental et romantique. Depuis qu’il connaissait Aliénor, dès qu’il l’apercevait son cœur battait la chamade. Alors, il voulait lui dire AU REVOIR, et la serrer fort dans ses bras pour la dernière fois avant de partir aussi loin. Le bateau qui allait l’éloigner de sa terre natale et de la princesse qu’il aimait tant, avait pour destination Jérusalem et le voyage allait durer pas moins de cinq semaines. Quand il retourna la voir, Aliénor avait pris sa place habituelle avec un livre de philosophie.
 




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